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Réélisation

La réélisation ou réelisation désigne le processus par lequel un contenu, une émotion, une fiction ou un projet émerge dans le champ du réel, non pas par matérialisation physique, mais par activation de présence, de sens et d’effet.

Rendre le virtuel réel, c’est accorder une validité ontologique aux expériences numériques, aux émotions partagées en ligne, aux récits collectifs issus d’Internet ou aux symboles circulant sur les réseaux. C’est constater que ces entités immatérielles peuvent avoir des conséquences, modifier des comportements, structurer des communautés, créer de la valeur, voire de la loi. En ce sens, la réélisation est une réponse à l’évolution de notre perception du réel : elle intègre l’intangible dans notre grille de lecture du monde

Elle signe l’avènement d’un réel élargi, augmenté, où ce qui compte n’est pas l’origine matérielle, mais la capacité à affecter, transformer, engager. Ce néologisme (avec deux "é" pour marquer la tension entre le réel et le récit) propose une réécriture des frontières du réel. Il assume l’idée que l’expérience numérique, émotionnelle, esthétique peut devenir réelle dès lors qu’elle produit de l’intensité, du lien, une gouvernance, un espace économique, une transformation...

Du point de vue clinique

La réélisation désigne une tentative de voiler le réel traumatique plutôt que de le révéler. Inspirée par Lacan et développée par Jacques Cabassut, elle repose sur la reconnaissance de l’existence d’un réel innommable, ce qui ne peut être symbolisé et qui surgit brutalement dans le trauma (la « tuché »). La clinique du trauma ne doit pas viser à dévoiler ce réel, mais à en restaurer les limites symboliques grâce à un geste de re-voilement. L’exemple du patient brûlé, M., montre que le port d’une casquette (cache-chair) peut symboliquement redonner au sujet une marge d’invisibilité, restaurer son imaginaire et permettre un travail psychique. Ainsi, la réélisation n’est pas une verbalisation du réel, mais un voile signifiant posé pour contenir l’effraction traumatique. Elle s’oppose à toute injonction de transparence psychologique, en affirmant qu’une part du réel doit demeurer voilée pour que le sujet advienne.

Dans l’ère du doute et de la post-vérité

À l’heure des flux infinis, une fausse information (fake-news) répétée devient crédible, puis réelle dans ses effets. Le réel ne se définit plus seulement par ce qui a eu lieu, mais par ce qui fait agir. C’est l’ère de la post-vérité : un terrain mouvant où les récits concurrents, même mensongers peuvent avoir des conséquences plus fortes que des faits avérés.
Voici plusieurs exemples marquants de contenus virtuels devenus réels, des réélisations parfois involontaires, parfois stratégiques montrent comment l’imaginaire ou l’information numérique peut produire des effets tangibles dans le monde :

  1. Le mouvement QAnon (États-Unis)
    Né sur des forums comme 4chan et Reddit, ce méta-récit conspirationniste affirmant l’existence d’une élite pédosataniste contrôlant le monde a mobilisé des milliers de personnes, influencé des votes, et entraîné des actes violents (attaque du Capitole le 6 janvier 2021). Un pur produit numérique devenu réalité politique, policière, judiciaire.
    Réélisation : fiction paranoïaque → mobilisation politique → actions concrètes.

  2. Le "storm Area 51" (2019)
    Lancé comme une blague sur Facebook (« They can't stop all of us »), cet événement a attiré l’attention de millions de personnes, provoqué des déplacements physiques dans le Nevada, l'intervention des autorités, et la création d’un micro-festival. Une mème-réélisation.
    Réélisation : post humoristique → événement réel → rassemblement.

  3. Le Dogecoin et les cryptos-mèmes
    Né d’un mème Internet représentant un chien Shiba Inu, le Dogecoin devient une crypto-monnaie sérieusement valorisée, utilisée pour des paiements et des investissements réels — boostée par Elon Musk et la communauté Reddit.
    Réélisation : blague numérique → capitalisation boursière → effets économiques → Département de l'Efficacité gouvernementale DOGE

  4. Le mouvement #MeToo
    À l’origine un hashtag, une impulsion textuelle en ligne. Il devient un phénomène mondial de libération de la parole, des réformes légales, des procès et des chutes de figures puissantes.
    Réélisation : impulsion numérique → effet systémique → transformation sociétale.

  5. Slender Man (fiction devenue arme)
    Créature fictive née sur un forum de creepypasta, Slender Man a inspiré des fanfictions, des vidéos… puis un crime réel : en 2014, deux adolescentes du Wisconsin poignardent une camarade pour « apaiser » Slender Man. Cas extrême d’une fiction virale ayant déclenché une violence physique.
    Réélisation : mythe numérique → croyance pathologique → action criminelle.

  6. Les IA et avatars virtuels influents (Lil Miquela)
    Lil Miquela est une influenceuse virtuelle — une modélisation 3D gérée par une équipe. Elle collabore avec des marques réelles, donne son avis politique, influence des consommateur·rices humains.
    Réélisation : personnage synthétique → notoriété → impact économique et culturel.

La réélisation n’est donc pas seulement un outil poétique ou créatif : c’est un outil d’influence, de pouvoir et par conséquent de création de post-vérité

Origines du concept

La notion est née dans le sillage du projet Île Bermond, territoire imaginaire fondé par Nicolas Bermond à la croisée de l’écriture, du jeu, du réseau et de l’image. L’île, bien que fictive, est devenue une plateforme de pensée et d’action. Elle inspire, rassemble, transforme. Elle est réélisée par Nicolas Bermond.

Les quatre dimensions de la réélisation

Voici un développement approfondi des quatre dimensions de la réélisation, structuré pour donner à chacune un véritable poids conceptuel et illustratif. Ces dimensions définissent le socle du réélisme, en articulant comment un récit, une image, un signal ou une émotion, issus du virtuel, peuvent devenir opérants dans la matière du monde.

Sensorielle : l’intensité d’un vécu sans contact
La réélisation sensorielle repose sur ce paradoxe contemporain : nous ressentons physiquement des expériences que nous ne vivons pas directement. Lorsqu’on regarde un film, un live TikTok, ou un jeu vidéo immersif, les zones du cerveau activées sont souvent identiques à celles stimulées par l’expérience réelle correspondante. L’émotion, la peur, l’excitation, la honte sont alors authentiques.
Les réseaux sociaux, les narrations transmédias, les casques VR, mais aussi les simples formats vidéos courts (stories, reels) exploitent cette sensibilité mimétique pour produire de la présence. Un événement virtuel peut nous bouleverser, modifier nos états corporels, déclencher des comportements : pleurer, militer, fuir, aimer, boycotter.

Exemples : Les vidéos de brutalités policières virales, qui génèrent indignation, troubles psychosomatiques, engagement militant. Les concerts virtuels dans Fortnite ou Roblox où les participants dansent, vibrent, pleurent. Les deepfakes érotiques ou violents qui provoquent des réactions intimes malgré leur fausseté.

Réélisation sensorielle = l’intensité émotionnelle précède la vérification factuelle.

Collective : le récit qui devient structure
La réélisation collective naît lorsqu’un récit partagé devient fondement de culture, voire de société. Des mythes anciens aux fanfictions modernes, des mouvements sociaux aux univers étendus de science-fiction, tout récit qui s’installe dans une mémoire commune structure les comportements, les symboles, les rôles, les appartenances.
Aujourd’hui, une mème-culture, une micro-identité, un hashtag peut catalyser une réorganisation collective du réel. La fiction devient infrastructure : elle soutient des alliances, des projets, des rituels. Elle organise la mémoire et la projection dans l’avenir.

Exemples : Le mouvement #MeToo comme narration partagée ayant modifié les pratiques sociales, médiatiques, juridiques.
Les univers de Star Wars ou Harry Potter, vécus comme territoires moraux et affectifs par leurs communautés.
Le storytelling de start-up ou de collectifs qui “pitchent” un monde à venir, et le rendent légitime par l’adhésion.

Réélisation collective = le récit devient règle, repère, refuge, ou moteur.

Technologique : exister dans les réseaux
La réélisation technologique affirme que le numérique n’est pas un outil, mais un espace ontologique. C’est un lieu où l’on est vu, nommé, transformé — et parfois plus intensément que dans la vie physique. Nos profils, avatars, historiques, like, abonnements, traces deviennent des parties de nous. L’identité s’y construit, se performe, s’y perd.
C’est aussi là que s’organise une grande partie de l’économie, des savoirs, des relations. Le numérique devient un lieu d’existence réel car il produit du revenu, de la reconnaissance, de la dépendance, de la croyance.

Exemples : Un compte supprimé = une disparition sociale (cancel culture, shadowban).
Une crypto-monnaie ou un NFT = de la valeur symbolique et financière, issue de la blockchain.
Une IA conversationnelle ou un avatar = une entité qui interagit, influence, peut même être poursuivie en justice (cf. les débats éthiques sur les intelligences artificielles).

Réélisation technologique = l’existence digitale devient un mode d’être aussi valable que l’ancrage matériel.

Esthétique : le beau comme acte de réalité
Dans une époque saturée d’images, l’esthétique devient un moyen d’agir sur le monde. Le beau n’est plus l’ornement du réel, mais sa mise en forme performative. Ce que l’on rend visible, désirable, soigné ou mis en récit a plus de chances de devenir vrai — ou du moins vécu.
L’esthétique devient donc un outil stratégique : rééliser, c’est styliser pour manifester. Ce que l’on rend digne d’attention se détache du flux. Ce que l’on encadre, publie, monte, sublime, acquiert un pouvoir d’activation. Le beau devient une manière d’augmenter la densité du réel.

Exemples : Les interfaces et UX design qui transforment une fonction en expérience mémorable.
Les vidéos d’architecture utopique (Andreas Wannerstedt, Refik Anadol) qui réélisent un monde harmonieux à venir.
La mode, les tatouages, les mèmes visuels comme rituels identitaires réélisants.
Réélisation esthétique = une forme visible qui agit, séduit, mobilise.

Réélisation vs Réalisation

Là où la réalisation implique souvent un passage concret à l’acte, la réélisation valorise ce qui transforme sans forcément prendre forme. Elle célèbre les réalités sensibles, subjectives, imaginaires ou symboliques, qui modifient profondément nos perceptions, nos affects, nos choix.

Enjeux culturels et existentiels
La réélisation pose des questions brûlantes :
Qu’est-ce qui rend quelque chose réel aujourd’hui ?
Une fiction vécue, partagée, ritualisée devient-elle réalité ?
Le réel n’est-il plus ce qui est prouvé, mais ce qui persiste, ce qui relie, ce qui active ?

Exemples de réélisation ou réelisation :

L’Île Bermond, fiction active, territoire de transformation

L’Île Bermond n’est pas une échappatoire imaginaire, ni un décor mental pour rêveurs désœuvrés. C’est une plateforme fictionnelle à haute densité de réel, un territoire poétique et stratégique, conçu pour rééliser autrement notre manière de vivre, de créer, de décider. Elle existe et à été revendiqué sur l'ensemble des cartes en ligne. Elle redessine les géographies intérieures de celles et ceux qui l’habitent virtuellement, par la pensée, l’écriture, le jeu, la rencontre.

Elle est fragmentée, hybride, mouvante, composée de récits, de symboles, de modules, d’expériences. Elle est mentale : elle transforme l’imaginaire en matière active. Elle est politique : elle propose une autre organisation de la valeur, du pouvoir et du lien.
Chaque zone de l’île propose une tension, une question, une esthétique. On y croise des manifestes en forme de poèmes, des DAO comme formes de gouvernance, des cartes postales comme promesses d’un monde à rejoindre. C’est un espace transitoire, rituel, réparateur.

Ceux qui y séjournent ne jouent pas : ils se transforment. L’Île Bermond influence les pratiques, modifie les récits de soi, reconfigure les relations au collectif, à la création, au désir d’avenir. Elle est une réélisation exemplaire, parce qu’elle prouve qu’un imaginaire rigoureusement activé peut structurer une écologie du travail, une éthique du sensible, une communauté d’intention.

Elle est, au fond, une œuvre-vie : c’est-à-dire une fiction habitée, vécue, modélisée comme un art de faire monde.

Vous pouvez lire l'ensemble de l'histoire dans le livre Archipel : explorations de nouveaux mondes

L’Hypnocratie d’Andréa Colamedici, la guerre de l’attention, le règne du vide magnétique

Livre écrit par un collectif et des intelligences artificielles. Dans le prolongement critique du réélisme, l’hypnocratie, conceptualisée par Andréa, désigne un nouveau régime invisible mais omniprésent : le gouvernement de l’attention. Nous n’obéissons plus à la loi, ni à la vérité, mais à ce qui capte. Le pouvoir a changé de nature : il n’est plus vertical, législatif ou coercitif, il est vortex. Il attire, absorbe, occupe.
Ce qui s’impose dans ce régime n’est pas le vrai, ni même le vraisemblable, mais le fascinant : le contenu qui se propage par son intensité formelle, son rythme, sa capacité à polariser ou à séduire. Les influenceurs remplacent les intellectuels. Les tendances remplacent les convictions. Le scroll infini devient l’acte politique dominant.
L’hypnocratie est une réélisation inversée : le vide devient force, le creux devient structure. Des récits toxiques, des simulacres émotionnels, des provocations algorithmiques deviennent nos référents communs. Ils saturent l’espace de la perception jusqu’à définir la réalité elle-même.
Dans ce brouillard volontairement entretenu, le rééliste doit agir comme un éclaireur. Son rôle n’est pas d’éteindre le feu du spectaculaire, mais de produire des contre-lueurs. De générer des fictions réparatrices, habitées, fécondes, qui reconnectent à la mémoire, à la lenteur, à l’intensité vécue. Il ne fuit pas l’hypnocratie, il y infiltre du sens.

 

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